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Pêcheur unijambiste - Vivian Duval : «En mer je suis libre»

À 62 ans, Vivian Duval s’apprête à tourner une page importante de sa vie. Après 42 années passées sur l’océan, il a décidé de prendre sa retraite et souhaite ardemment que les jeunes prennent la relève.

Vivian Duval est un pêcheur hors du commun : il est unijambiste. Victime d’un accident alors qu’il partait au travail, il a perdu une partie de sa jambe. « J’ai fait une erreur. J’ai traversé la route devant un camion et je suis devenu unijambiste. Mais je n’ai jamais jeté les armes », relate-t-il. En effet, quelques mois après, il était déjà sur l’eau.

Cette mer, cet habitant de Cap-Malheureux la connaît depuis son adolescence. Il a commencé à pêcher dès l’âge de 13 ans. « Mon amour et ma passion pour la pêche viennent de mes grands-parents. Ils n’étaient pas des professionnels, mais ils aimaient pêcher. Ma grand-mère savait même fabriquer des chaînes de pêche », relate-t-il.

Il se forme petit à petit et à 17 ans, il devient « ouvrier ». C’est aux côtés de son patron de l’époque, Jérôme Jean Pierre, qu’il apprend véritablement le métier, en pratiquant la pêche au casier. « Il me grondait souvent, mais il fallait apprendre, il fallait savoir se débrouiller », soutient-il.

Transmettre son savoir

Aujourd’hui, après plus de quatre décennies en mer – plus précisément 42 ans –, Vivian Duval envisage de prendre sa retraite.

« Mes forces diminuent. J’ai parfois mal au genou et l’âge me rattrape. Il est temps que les jeunes prennent la relève. Moi aussi, j’ai appris en étant jeune. À leur tour maintenant », soutient-il.

Mais est-ce que la relève est assurée ? Vivian Duval avoue son inquiétude : « Je veux transmettre mon savoir aux jeunes, mais peu d’entre eux souhaitent embrasser ce métier. Se lever très tôt, aller ramasser les goémons l’après-midi, rentrer à 18 heures... Les jeunes d’aujourd’hui n’acceptent pas cette vie. »

Il reconnaît que le métier est dur, surtout en hiver à cause des conditions climatiques. Mais il garde un attachement profond à la pêche, notamment au casier, une méthode de plus en plus abandonnée. « Ce métier se perd. J’invite les jeunes à venir vers nous, moi et mon collègue Gérald. On peut leur montrer. Il y a un avenir dans ce métier, il faut juste avoir de la volonté », soutient-il.

Cependant, il ne peut s’empêcher d’établir un parallèle entre la raréfaction des poissons en mer et la disparition progressive des jeunes dans la profession. « Les poissons se font plus rares, et les pêcheurs aussi. Bientôt, seuls les anciens resteront », se désole-t-il.

Ce qu’il a dit sur…

…la mer : « Pour moi, la mer est synonyme de liberté. Je suis plus à l’aise sur l’eau que sur terre. En mer, je suis libre. Même si je tombe, je ne me fais pas mal. Sur terre, c’est plus risqué pour moi. »

…son plus beau souvenir en mer : « Aller pêcher le soir. Mais parfois, même un beau moment peut tourner au cauchemar. Un soir, le ciel était complètement couvert. On n’y voyait plus rien, même pas la terre. C’était la nuit totale. J’ai eu peur ce jour-là, tellement peur que j’en tremblais. »

…son plus mauvais souvenir sur l’océan : « C’était il y a quatre ans. Il pleuvait beaucoup. En mer, la pluie est plus dangereuse que le vent. On ne voyait rien, on ne distinguait plus la côte. Quand le soleil est revenu, on a vu qu’on partait vers Madagascar, mais heureusement, on a pu revenir. »

… sur le courage : « Le courage vient de nous. Tout se passe dans la tête. Il faut toujours rester positif. Si on pense négatif, on coule. Peu importe qui on est, le mental fait toute la différence. »

…sur le fléau de la drogue : « Beaucoup de jeunes préfèrent la facilité. La drogue leur semble plus accessible. Mais, c’est une souffrance immense pour leurs parents. »

En mer dès 4 h 30 du matin

Chaque matin, la routine de Vivian Duval est bien rodée. « Je me lève très tôt et je prépare mon café. Mon camarade vient me chercher pour me déposer sur le pont. Une fois sur le bateau, on attache des goémons, puis on part en mer. Le travail commence à 4 h 30 du matin. Il n’y a pas d’heure pour rentrer, parfois 14 heures, 15 heures, ou plus tard encore, selon le courant ou la visibilité. Si l’eau est sale, on ne trouve pas les casiers et il faut les chercher. On rentre donc plus tard », indique-t-il.

Son message aux Mauriciens

Aujourd’hui, Vivian Duval souhaite transmettre un message d’espoir : « J’ai perdu une jambe, mais je suis toujours resté positif. Je suis fort dans ma tête et je n’abandonne pas facilement. C’est ma manière de montrer à d’autres personnes en situation de handicap qu’il faut toujours aller de l’avant. »

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